
Un projet d’ordonnance du gouvernement prévoit d’appliquer l’accès partiel à la profession. Un texte inacceptable qui heurte la lettre et l’esprit de la directive sur les qualifications professionnelles. Concrètement, à quoi servirait l’acquisition de qualifications en organisant dans le même temps son contournement pour donner accès en partie à la profession ?
Le projet d’ordonnance du gouvernement, qui doit transposer dans le Code de la santé publique (CSP) les nouvelles dispositions de la directive révisée sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, a été soumis pour avis. Il introduit l’accès partiel pour toutes les professions de santé, y compris pour les chirurgiens-dentistes et les assistantes dentaires.
Le projet prévoit que les bénéficiaires de l’accès partiel pour la profession dentaire :
• seront inscrits au tableau de l’Ordre sur une liste distincte. Cette liste mentionnera les actes qu’ils sont habilités à effectuer dans le champ de la profession, le cas échéant dans la spécialité au titre de laquelle ils sont inscrits ;
• seront tenus au versement de la cotisation ordinale ; (les denturos vont devoir entretenir l'Ordre des dentistes ?)
• seront tenus de respecter les règles professionnelles applicables en France dans l’exercice des activités pour lesquelles ils ont obtenu une autorisation d’exercice partiel et seront soumis à la juridiction disciplinaire compétente.
Rappelons, et c’est essentiel, que l’Ordre opère une distinction entre l’accès partiel réalisé au sein d’une même profession, c’est-à-dire un accès partiel « intraprofessionnel », admis par la jurisprudence européenne, et un accès partiel réalisé entre deux professions, c’est-à-dire un accès partiel « interprofessionnel », que ni la jurisprudence ni le législateur européen n’ont imaginé, mais que le projet d’ordonnance du gouvernement envisage malgré tout d’introduire en France (1). S’agissant de l’accès partiel interprofessionnel, le juge européen l’a reconnu dans trois professions à ce jour :
• Un titre italien d’ingénieur civil en hydraulique peut permettre d’exercer partiellement comme ingénieur civil des chaussées, canaux et ports en Espagne (décision du 19 janvier 2006) ;
• Un titre allemand de masseur-balnéothérapeute peut permettre d’exercer partiellement comme masseur kinésithérapeute en Grèce (décision du 27 juin 2013), parce que ses actes sont prescrits par un médecin, qui peut donc en contrôler les contours ;
• Un titre allemand ou anglais de moniteur de snowboard peut permettre d’exercer partiellement comme moniteur de ski alpin en France (ordonnance du 1er juillet 2010). Or, en France, envisager un accès partiel « interprofessionnel » comme le fait le projet d’ordonnance permettrait d’aller plus loin.
En pratique, il légitimerait l’ouverture de certains actes de l’art dentaire à des professions œuvrant certes dans le domaine dentaire, mais non reconnues en France. Pour l’Ordre, cette introduction n’est pas tolérable.

L’Ordre sera particulièrement vigilant sur le texte de ce projet d’ordonnance et, le cas échéant, se réservera de faire jouer toutes les possibilités de recours si ce texte devait rester en l’état. En attendant que le Conseil d’État se prononce sur le projet d’ordonnance que le gouvernement décidera de lui soumettre, on retiendra qu’à Malte cet hiver, un « technicien de clinique dentaire » a attaqué l’Ordre local pour refus de reconnaissance de ses qualifications professionnelles. En effet, sa profession n’existe pas sur l’île maltaise ; seule celle de technicien dentaire est exercée. La première permettrait un accès direct au patient, quand la second n’agit à Malte que sur prescription du chirurgien-dentiste.
Au nom de la liberté d’installation et de la libre concurrence, l’affaire est maintenant portée devant la justice européenne. En droit, on ne peut forcer un État à reconnaître sur son territoire une profession qui n’a pas été harmonisée sur le plan européen ; en revanche, on peut désormais – mais pas sans conditions – lui accorder un accès partiel à la profession qui lui serait la plus proche. Cette affaire va donc être l’occasion pour le juge européen de préciser une nouvelle fois l’accès partiel intraprofessionnel, ici entre la profession de « technicien de clinique dentaire » et celle de technicien dentaire. Puisque demander à l’Ordre maltais d’exercer partiellement la profession de chirurgien-dentiste n’a quand même semblé ni possible ni raisonnable au plaignant…
(1) Et ce pour l’installation du professionnel comme pour la simple prestation de services
http://www.ordre-chirurgiens-dentistes. ... 600535e7eb